Virgin Suicides, Sofia Coppola

Il y a une semaine, le premier long métrage de la réalisatrice Sofia Coppola : Virgin Suicides  (sorti le 27 septembre 2000 en France) fêtait ses 25 ans. Je suis particulièrement touchée d’en discuter puisqu’il s’agit de l’un de mes films préférés. Une oeuvre qui a bercé mon adolescence sans que je n’en saisisse le sens à l’époque. J’ai été envoutée par ces images spectrales d’une adolescence mystifiée, incarnée par les soeurs Lisbon. À l’occasion de l’anniversaire du film, la journaliste et animatrice Lily Bloom a partagé une analyse moderne de ce film pour le magazine Trois Couleurs. Son regard critique accompagne ma relecture, aujourd’hui plus mature, de cet objet cinématographique. J’ai eu la chance de le revoir en version restaurée 4K cette année au cinéma et je fus profondément émue par l’expérience de le voir en salle. Aujourd’hui, je souhaite partager avec vous cette oeuvre importante pour moi.

© Carlotta Films

Virgin Suicides est l’adaptation du roman éponyme, traduit en français par « Les Vierges suicidées ». Cette oeuvre retrace l’histoire de cinq soeurs d’une famille puritaine états-unienne qui auront le destin tragique de toutes se suicider. Le drame est raconté depuis le point de vue d’un groupe de jeunes garçons fascinés par les soeurs Lisbon. Le film parle de désir, celui  naissant de ces jeunes adolescentes, mais surtout celui de ces jeunes garçons qui fantasment la réalité des soeurs Lisbon. Comme le dit Lily Bloom « chaque plan est une rêverie de garçons sur ces jeunes filles. Leur vérité leur échappe toujours ». Ces adolescents sont habités par le mystère qui entoure ces soeurs. Tout le long du film, ils enquêtent, collectant petit à petit des indices sur la vie de ces jeunes filles au travers de journaux intimes et magazines leur ayant appartenu, artéfacts d’une réalité abstraite et parallèle à la leur. Ils aperçoivent depuis leur fenêtre des bribes de leur vie et recollent dans leur imaginaire la vie de ces cinq soeurs. Ils espèrent les comprendre, retracent les événements menant au drame et jusque dans les derniers instants, espèrent les sauver.

© Carlotta Films

Leur fin funeste est annoncée dès les premiers mots du film : « Cécilia fut la première à partir ». L’état neurasthénique de Cecilia, la plus jeune, devient petit à petit celui de ses soeurs victimes d’enfermement. C’est l’un des sujets majeurs du cinéma de Sofia Coppola. Ses héroïnes se retrouvent perpétuellement cloîtrées dans une prison psychique et physique. Elles sont recluses dans une chambre d’hôtel, dans une villa, ou pour les soeurs Lisbon, dans une chambre de leur maison. Mentalement, les personnages de Coppola sont aussi enfermés par la solitude et les carcans que leur entourage crée pour elles. Les soeurs Lisbon sont coupées du monde extérieur et de toute notion d’amusement, de culture, de tout ce qui semblerait pécher pour leur mère. L’évasion devient alors une rêverie. Petit à petit, les jeunes filles s’égarent de la réalité, elles deviennent fantomatiques. La seule évasion possible est celle de leur imaginaire et se conclura par celle de leur fin.

© Carlotta Films

Souvent partant du postulat classique de la jeune fille innocente, blonde et blanche, les héroïnes de Sofia Coppola détonnent des clichés de par la poésie et la mélancolie qui entourent chaque film. Des images évaporées, propres à la mise en scène de Sofia Coppola, montrent comment évoluent des jeunes filles en quête d’émancipation. Un voile laiteux plane sur les images et nuance les émotions de ses personnages. Dans Virgin Suicides, cela s’accompagne d’une colorimétrie prononcée, une image travaillée par Edward Lachman (directeur de la photographie du film Carol (2015) de Todd Haynes). Les scènes sont plongées dans des ambiances colorées qui soulignent chaque situation. Des lumières jaunes et des tons chauds accompagnent des séquences qui mettent en scène la jeunesse. Le populaire Trip Fontaine, que convoitent les adolescentes, est lui présenté avec des couleurs vives et saturées. En contraste, du bleu accompagne la tristesse de Lux délaissée par Trip, et des tons froids, pastels et des lumières blanches dessinent la cage des soeurs Lisbon et leur dérive vers la mélancolie.

© Carlotta Films

Sorti d’un rêve et pourtant proche du cauchemar, Virgin Suicides est une peinture moderne de la langueur. Comme les garçons dans le film, j’ai été fascinée par la manière dont Sofia Coppola met en scène la mélancolie. La poésie de cette oeuvre transcende la narration et m’a permis dès mon plus jeune âge d’être transportée par le film. Aujourd’hui, je perçois le film dans son entièreté, j’aime revoir les détails et l’analyser. Je reste envoutée à chaque visionnage et ne me lasserai jamais d’en parler.

Et pour celleux qui sont arrivé.e.s jusqu’au bout de cet article, je vous laisse avec la planante bande originale signée Air <3

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